Discours prononcé par Marie Ligonnière, Maire de Périgny, lors de la marche organisée le 03 décembre 2022 par Avenir Santé Environnement.
« Mesdames et Messieurs les représentants d’association,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
C’est avec une grande émotion que je prends la parole devant vous aujourd’hui. Une grande émotion déjà face au nombre de personnes présentes devant moi, qui souligne bien sûr l’importance de cette marche, mais surtout la détermination de chacun ici présent à agir. Une grande émotion ensuite parce que je suis, avant d’être élue, citoyenne, maman de deux petites filles, dont l’une d’elle est présente aujourd’hui, et à ce titre, je suis aussi inquiète que la plupart d’entre vous à l’idée de les voir évoluer dans ce monde qui me semble parfois figé. Une grande émotion enfin car j’ai eu l’honneur d’être choisie par l’association Avenir Santé Environnement pour m’exprimer en tant qu’élue devant vous. Et bien sûr, j’espère que mes propos seront à la hauteur de leurs attentes.
Lorsque Monsieur RINCHER est venu me parler de l’organisation de cette marche il y a quelques semaines, je crois avoir manifesté un enthousiasme immédiat. J’avais face à moi, un homme, un jeune papa, qui a fait de sa douloureuse histoire personnelle un combat, un combat digne, honnête, avec force et conviction. En tant qu’élue, je dois vous dire que des personnes comme Monsieur RINCHER sont là pour vous rappeler le sens de votre propre action.
Mais sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui, de quelles actions parlons-nous exactement ? Qui doit faire quoi dans cette histoire ?
Je ne reviendrai pas sur le détail de ce que les analyses de la qualité de l’air ont révélé sur notre territoire, ni sur le détail des épisodes qui ont révélé des cas de pollution de l’eau. Ce que je sais néanmoins désormais :
1 – Tout le monde maintenant connaît ces informations, elles sont objectives, factuelles, connus de tous, sans aucune discussion ;
2- Les études épidémiologiques menées par la Ligue contre le cancer ont confirmé un excés de risque de cancers chez les 0-24 ans dans la commune qui touche la mienne, et nos frontières ne sont que des limites administratives ;
3 – en tant que Maire, je vois les inquiétudes des habitants de ma commune, d’autres collègues maires m’ont fait remonter ces mêmes inquiétudes, et je sens cette pression citoyenne qui monte progressivement ;
4 – J’ai vu des agriculteurs oppressés par cette vindicte citoyenne, je les ai entendus me dire, à juste titre parfois, qu’il ne fallait pas parler de choses que je ne connaissais pas …
5 – Je vois des habitants se mettre à choisir leurs camps, comme s’il y avait un conflit, entre ceux qui représenteraient les « écolos bobo » prêts à manger bio et ceux qui défendraient le monde agricole, eux conscients notamment des difficultés économiques des agriculteurs…
C’est la raison pour laquelle je suis présente aujourd’hui : selon moi, chacun doit désormais assumer le rôle qu’il a à jouer :
Je suis maire d’une commune de presque 9000 habitants, et comme mes collègues maires, en fonction de nos budgets respectifs, qui sont de plus en plus contraints, nous essayons d’agir… Je salue la présence de mes collègues maires, adjoints, et conseillers municipaux. Nous venons de subir une crise sanitaire sans précédent et nous sommes en pleine crise énergétique. Et pourtant, nous essayons d’avancer. Nous tentons d’agir à notre niveau sur des actions de sensibilisation : nous sommes par exemple plusieurs communes à avoir participé au festival ALIMENTERRE, en prônant une alimentation saine et durable. Nous assumons des dépenses d’investissement pour agir sur la globalité d’une transition écologique : nous tentons de rénover énergétiquement nos bâtiments et nous végétalisons nos espaces publics pour agir sur notre bilan carbone, nous désimperméabilisons nos sols de cours d’école et de places publiques pour agir sur la protection de la ressource en eau, etc. Nous faisons notre part.
Je suis également Vice présidente de l’Agglomération de La Rochelle en charge de l’implication citoyenne et de l’accompagnement aux transitions. J’ai des collègues élus communautaires qui se sont déplacés aujourd’hui. Je salue la présence de Mathilde ROUSSEL en charge du Projet Alimentaire de Territoire, de Guillaume KRABAL en charge de l’eau, d’Antoine GRAU, premier Vice Président notamment en charge des finances, de Vincent DEMESTER, Vice Président en charge de l’enseignement supérieur et de l’Université. L’Agglomération s’est emparée du sujet :
une délégation santé a été créée et confiée à Marc MAIGNE pour porter politiquement les questions de santé environnementale, avec un plan d’action sur ce volet dans le cadre la mise en place d’un contrat local de santé ;
les études sur la qualité de l’eau et de l’air se poursuivent grâce à l’Agglomération ;
l’engagement de l’Agglomération dans un projet alimentaire de territoire, dans la protection de la ressource en eau, l’embauche d’un agent spécialisé pour coordonner ces actions, etc. viennent conforter notre envie de transition.
L’agglomération met par ailleurs en place une action de médiation sur 5 communes de notre territoire pour mettre autour d’une table : habitants, élus et agriculteurs pour nouer ou renouer un dialogue, dans le contexte de plus en plus tendu que nous connaissons. L’Agglomération fait donc sa part.
Mais l’Agglomération s’est aussi adressée au Ministre de l’Agriculture, et vous avez lu sa réponse dans la presse aujourd’hui. Alors mes propos désormais n’engagent que moi et s’adressent à notre Ministre :
Monsieur le Ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, vous indiquez partager notre souci de garantir la santé des personnes exposées aux résidus notamment présents dans l’air. Vous prévoyez de renforcer des contrôles sur la diffusion des produits autorisés. Vous vous autorisez à réexaminer des autorisations de mise sur le marché. Et vous concluez avec la possibilité à l’avenir de « limiter ou interdire » leur utilisation au bénéfice de méthodes plus sûres pour la santé humaine ou animale.
Monsieur le Ministre, vous n’avez pas dit un mot sur la transition agricole. Vous connaissez parfaitement la situation sur notre territoire, comme sur d’autres malheureusement. Vous connaissez parfaitement les difficultés de nos agriculteurs. Et vous n’avez pas dit un mot sur leur accompagnement dans un éventuel changement de leurs pratiques. Vous n’avez pas dit un mot sur l’accompagnement des collectivités pour favoriser, au plus près dans leurs relations quasi quotidienne avec le monde agricole, des échanges qui permettraient la mise en place de cette transition.
Cette inaction, Monsieur le Ministre, fait peser sur les élus de la République que nous sommes un poids que nous n’avons pas à assumer. Nous n’avons pas les moyens de répondre aux inquiétudes de nos habitants. Nous n’avons pas les moyens d’accompagner les agriculteurs de notre territoire qui souhaiteraient sortir de ce système dont vous connaissez les conséquences néfastes. Pourtant, en tant qu’élus locaux, notre devoir est de garantir cette paix sociale, alors que nous n’avons pas la possibilité d’agir seuls sur le sujet. Notre devoir est de maintenir un dialogue entre riverains et agriculteurs alors que nous n’avons pas de solutions à apporter.
Monsieur le Ministre, la dernière réunion à laquelle j’ai participé sur le sujet réunissait, tout comme cette marche, des associations, des agriculteurs, des élus et des habitants : notre conclusion a été notre besoin de tolérance les uns à l’égard des autres, car chacun tente d’agir quotidiennement, à la hauteur de ses moyens.
Monsieur le Ministre, faites en sorte que cette tolérance puisse perdurer et à votre tour, faites votre part et agissez désormais véritablement à la hauteur de vos propres moyens. «